- A l'origine, ce sont Eve et Adam
qui furent autorisés à avoir l'usage de la faculté
de discernement entre le Bien et le Mal. Autrement dit entre
le Correct et le l'Incorrect, pour ces jeunes apprentis mortels.
Le Bon et le Mauvais, en exclusivité (la tâche étant
prémâchée pour les animaux, et les anges
ignorant l'erreur humaine), et en vrac (c'est plus amusant :
c'est là que ça devient du sport). Pour avoir manger
le fruit de l'Arbre de la Connaissance (du Juste et du Faux,
l'Entendement du Bonnard et du Foireux), au lieu de l'Arbre de
Vie (qui rend immortel) nos ancêtres furent un peu livrés
à eux-même. Mais la notion de Bien et de Mal en
tant que valeurs absolues, existant par elles-même est
beaucoup plus tardive. Puisqu'au départ Dieu et Diable
ne jouent pas dans la même cour, ce dernier n'ayant qu'un
"rôle secondaire" (et Le Premier n'apparaissant
jamais à l'écran, se préservant plutôt
la qualité de réalisateur)
- Jésus de Nazareth ne semble pas avoir promu
un quelconque manichéisme. (Il module plutôt sur
une portée triple, il raisonne dans une provenue spirituelle
à trois étages : le fils de l'homme, le Père
du Royaume "Pas-De-Ce-Monde", et l'Esprit Saint qui
les relie formidablement, en symbiose incroyablement déliée).
Mais Paul, le prosélyte qui posa les fondements
d'une Eglise dédiée ("spéciale
dédicace à Jésus"), se laisse
prendre rapidement, pour mieux convaincre, à la simplification
entre Ombre et Lumière... Une plate-forme plus ergonomique
mais moins conviviale.
Dans le Larousse, le manichéisme est à la même
page que la mangouste (qui, elle, a droit à une photo).
Nous aurions pu développer ici à propos de ce mammifère
exotique des observations radicales, mais ce serait certainement
s'éloigner du sujet
Accessoirement, cette page du
dictionnaire (un pense-bête imposant) évoque
aussi le manège, (lieu circulaire pour faire
des exercices équestres ou dansés), et cela
nous rapproche furieusement du propos : puisque le va-et-vient
entre le Bien et le Mal est inadapté à la vie moderne,
la ronde, sans favoritisme, entre les trois principes basiques
qui sont en filigrane de toute chose, reste la plus gracieuse
des figures imposées. Elle remonte sans doute à
Lao Tseu (qui lui même synthétisa avec une
grande virtuosité poétique, un savoir sûrement
déjà séculaire). Il montra le Tao.
Le manège entre les célèbres duettistes
Yin et Yang, qui se poursuivent incessamment, sans
jamais se confondre. Le Tao : Expression de la fusion
des contraires, des extrêmes qui se touchent ...
-
- Le Tao de Lao Tseu : Traité du Vide comme matériau
indispensable et néanmoins constant, inépuisable.
-
- Pensée insensée, s'écartant du rebattu
légèrement infantile, d'une vérité
différente de celle, spontanée, qu'offrirait une
perception limitée à "là / pas là",
"conscient ou absent ?". On / Off ; allumé
ou éteint.
- Mort ou vif ? Ou Mythique... Inoubliable.
- Le Dehors ou le Dedans. Et la porte, ouverte ou fermée
? Un ectoplasme traversant les murs, une entité allusive
qui impose une reddition de la raison habituellement toute-puissante,
mais ne disposant que des yeux pour voir, (et encore pas derrière
la tête). Cela bien avant la capitulation résignée
face à un Inconscient superactif, en compagnonnage imposé
à l'Ego par le docteur Freud (mais sans faire
l'unanimité : Sartre par exemple n'a pas "d'inconscience"
à faire reluire, la conscience lui parait déjà
suffisamment complexe).
Ys virtuellement engloutie, cette citée aperçue
dans la brume, mais que jamais l'on ne revoit, faute d'en retrouver
le chemin. Nous ignorons comment les ressources-rémergences
sont gardées au frais. Où est le réservoir
? En quoi est-il fait ? La mémoire humaine (ou animale)
ne stocke pas, elle réinvente, elle crée les souvenirs,
de toute pièce. Elle complète sa collection, déjà
grosse de tous les réflexes et instincts. Et elle a besoin
d'amour pour réactiver l'univers, c'est bien connu ; (on
oublie plus facilement l'anodin, on mémorise plus fort
avec des affects autour). Mais il y aura toujours des distorsions,
une "relecture" potentielle décalée est
à prévoir. (Et qui parfois se trompe de cerveau
pour réapparaître ; se pavane en mobil-home, ailleurs).
La mémoire est itinérante.
- La matière cognitive n'est pas faite que de traitement
de l'information. Elle s'émeut. La sincérité
passe toujours mieux. La générosité en passe
toujours plus. Entre le connu, et l'inconnu, demeure l'affectionné.
Pour être dans le coup, il ne faudrait pas manquer de comprendre
qu'une mémoire dynamique nous englobe, tout en
nous habitant. S'il n'y a pas de placard, c'est que le passé
est transversalement renouvelé, pas le temps de lui mettre
un emballage. Pas d'accumulateur, ni de condensateur mais une
tornade électrique, d'inductions sans cesse (une tornade
qui cesse ce n'est plus vraiment une tornade) mobilisés,
pour voir, parler, marcher, dormir etc. Pas seulement pour se
rappeler. Probablement pas de mémoire morte dans le cerveau.
Une mémoire vive, vivante, dynamique, débordante.
Débordante, comme un raz de marée qui ne détruirait
pas tout sur son passage mais qui le réactiverait, au
contraire. En en fabriquant une gigantesque maquette, une réplique
plus vraie que nature, entièrement personnalisée,
et même, sans cesse améliorée (quitte à
mobiliser de nouvelles synapses avec des neurones tout neufs
; cela à tout âge, on le sait maintenant). Qui animerait
consciencieusement le monde enfoui, cet univers transcendantal
(hors de portée de l'action ou de la connaissance,
mais étayant le réel) qu'est cet immense royaume,
invisible, de la mémoire organique. De la mémoire
collective, qui déborde jusque dans nos consciences. Un
déjà-vu, une has-been, qui maintiendraient
en vie ce pseudo-organisme protoplasmique, cette présence
domestique si attachante, par ses caresses électrisantes,
le sustentant d'électricité statique jusqu'à
son départ, attendu sans être espéré,
vers une conscience demandeuse. Ou pas.
Rappel : Cette Atlantide immergée fut bâtie en souvenir,
rien qu'en souvenir massif. Souvenance par souvenance.
-
- Mais revenons à nos moutons (de Panurge ?).
Manès fit brillamment suite à Zoroastre,
en Perse (au début du IIIe siècle après
qui vous savez), en expliquant la Création par la
lutte de deux principes : le Bien (essentiellement bon),
le Mal (essentiellement mauvais). On pouvait figurer cet
âpre combat par les Ténèbres et la Lumière
en vis à vis permanent.
Cette théorie passablement fumeuse (la lumière
n'ayant physiquement rien à craindre des ténèbres,
pour preuve sa vitesse constante depuis le Big Bang [qui est de 300 000 km/s]
et peut être même d'avant ; à l'inverse
l'obscurité étant amenée à disparaître
au moindre rayon de lumière, l'équilibre symbolique
est en conséquence arbitraire) fut tout de même
remise à flots au Moyen Age, par les Cathares près
d'Albi. Cette secte retranchée dans ses fortifications
haut perchées, fut qualifiée d'hérétique
et progressivement éradiquée, au fur et à
mesure qu'elle atteignait les populations. Beaucoup périrent
sur le bûcher car la période était défavorable
pour ce genre d'extrapolations, l'Eglise Catholique Romaine étant
devenue très puissante et très inquisiteuse. Mais
le concept séduisit (certainement plus par son aura rebelle,
que par sa teneur philosophique) et demeure.
Il faut croire que le manichéisme
répondait à une demande latente, à une prédisposition
bien enracinée.
- S'il a autant prise sur notre mental, la première
tentation étant de lui céder avant de faire l'effort
de nuancer le jugement, c'est parce que notre représentation
mentale est calquée sur notre stature
naturelle. Et le balancement sur deux jambes, comme on le
sait, conduit à provoquer la même oscillation dans
l'esprit : le paradigme du "j'y va-t-y, j'y-va-t-y pas",
la valse entre le Pour et le Contre, se traduit par la station
debout, perplexe. A la masse. Balancement physique, donc indécision
mentale, par mimétisme. Et réciproquement. (CQFD)
- Car entre deux directions on devient soi-même le carrefour
, ce qui est scotchant comme un Nexus. Tandis que devant trois
chemins on devient automatiquement le 4ème, en conformité
avec la Rose des Vents. Les points cardinaux exercent un tropisme
archaïque sur notre manière d'envisager l'univers.
Alors que deux pôles génèrent un magnétisme
écartelant, ou pire tendent à provoquer l'immobilisme
(ou la marche arrière). Comme l'inertie de la ligne tracée
au sol bloque une poule, qui ne conçoit que des points
(ou des oeufs, elliptiques).
-
-
- (Cela bien avant la réverbération booléenne
[due à George Boole et son intention sinusoïdale
: une variable (unitaire) est susceptible de prendre deux
valeurs qui s'excluent mutuellement, par exemple 0 et 1, dans
l'informatique]. Mais c'est une autre histoire. La nôtre
en ce moment précis.)
Le feu des bûchers participe-t-il de l'Ombre ou de la
Lumière ? Il est plus facile de faire les malins de
nos jours
Cyber-sécures.
- Notez que, bien que farouchement hostiles à cette
doctrine, passablement exaspérés par le manichéâtre
omniprésent, ça n'est nullement que nous sommes
favorables à ce genre de pratiques coercitives (pour
qui aurait un doute), mais il semblait utile de rappeler
comment on en est arrivé à pouvoir jouer tranquillement
au petit jeu démocratique qui consiste à dire «
la gauche c'est bien, la droite c'est mal », ou
exactement le contraire, [...], avec des airs de conspirateurs
(l'isoloir imposant un secret trop poli pour être honnête...)
démocratiquement parvenus à l'expression libre.
- (En fait, dans la pratique, ce sont plutôt "les
gens de gauche" qui s'autolabellisent humanistes, et s'octroient
traditionnellement, donc d'office aujourd'hui, mais a priori
malheureusement, d'autres qualités toutes de bonté,
qui n'ont pas grand chose à voir avec la gestion des impôts
et les guéguerres confraternelles de la politique. Les
"gens à droite" préfèrent, quant
à eux, s'afficher en bons chrétiens, pratiquant
en dehors des heures de service. Le libéralisme n'a pas
encore eu ses martyrs, pour cautionner une droiture héréditaire
)
-
- La pensée binaire c'est comme une monnaie périmée,
elle garde une valeur affective, nostalgique. Le refus du ternaire
est veule.
- C'est comme de passer du disco (binaire du siècle
passé) au jazz (musique ternaire par excellence,
avec la world music. A noter que certaines musiques orientales
sont plutôt à douze et dix temps alternés
par exemple, ou séquentielles à neuf temps syncopés
etc.), le plus dur c'est de se jeter
à l'eau ... Le plaisir vient après. Mais il vient.
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