ANNEXES : débat / ping pong |
Le 17/05/2004 à 02h42 | Fox @ la forumade |
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Le délit le plus commun et le plus grave, ce qui fait que
je ne suis pas 100% confiant (sur mes gardes, quoique non violent)
c'est la perte de l'innocence (double sens : être
coupable de fait(s) et actes injustes, tout autant que
spectateur de l'entamure de ma naïveté naturelle,
quasi enfantine) - quand j'ai compris le mécanisme retors
employé... machiavélisme qui ne me serait pas spontanément
venu à l'esprit, trop enclin à créer peut
être, à composer ex-nihilo plutôt qu'avec
les gens ... à leurs dépends. (Je préfère
m'inspirer de trucs roots plutôt qu'avec du sampling dévoyé).
La corruption est d'abord là : dans l'esprit. Et moi, il se trouve que je suis plutôt jaloux de ma candeur, au capital limité ... Je travaille à me disculper (c'est pour ça que je ne regarde pas tout à la télé ; et que je ne prend jamais de "ticket à gratter"). Je me maintiens innocent (voire "crétin" si on garde le sens étymologique proto-chrétien...)
Quand on demanda à Lino Ventura s'il
faisait de la politique ses mots furent : "...
pratiquement pas. Je la subis comme tout le monde, elle m'entame.
On ne peut pas y être indifférent, mais je ne fais
pas de "politique". (Je ne suis pas taillé pour
ça ...) Je n'ai pas une crédibilité totale
envers la politique. Je suis assez dévitalisé dans
ce domaine !" Quand on sait qu'il a fuit l'Italie de Mussolini pour faire le catcheur en France (le stratagème : s'exposer pendant des mois sur les affiches des murs alors qu'on est recherché et sans papiers !) Quand on connaît son action avec "Perce Neige" etc. on comprend mieux rétrospectivement ce que signifiait pour lui faire de la politique ... (ça se résumerait globalement : être libre et défendre ceux qui ne le sont plus). |
Précision utile : quand j'écris "Je travaille à me disculper " c'est à mes yeux, avant tout. Lorsque je me sens complice (du glauque et/ou du vain). Pris en otage (par les médias et les glorieux protagonistes qui y évoluent) on finit parfois par developper de l'affection pour ses ravisseurs (cf. Syndrome de ... Stockolm, c'est ça ?)
Cela dit, il est vrai que je lis ces derniers temps un certain nombre de réflexions sur "l'irréductibilité de la conflictualité" chez l'homme, des réflexions qui émanent de différents champs -- psychologie, sociologie, histoire, politique, etc. --, ce qui étaye un peu plus leur éventuelle pertinence. Selon ceux qui lancent ces hypothèses, la conflictualité, c'est-à-dire la tendance de chaque individu à entretenir des conflits, en pensées, en paroles, en actions, avec un autre ou des autres qui incarneraient à l'extérieur une conflictualité interne propre à chaque individu, eh bien cela ferait partie de la nature humaine sans pouvoir être "réduit", dépassé. En fait, on peut penser qu'on ne devrait pas tarder à être fixé tellement les choses s'emballent ces années-ci ! Tu mettais l'accent sur l'importance du rêve dans ta dernière contrib. Moi, je suis animé par un rêve depuis toujours et qui m'occupe encore aujourd'hui, c'est précisément, entre autres, de dépasser cette conflictualité et de vivre dans un monde où il est possible de jouer/jouir/construire avec tous les autres, sans exclusive Tu comprends donc peut-être mieux pourquoi non seulement je ne peux pas partager le "rêve" selon toi des altermondialistes, bien trop fondé sur la conflictualité, "c'est la faute aux autres, au système, etc.", et pourquoi je trouve -- tout en ne niant pas, je le répète, l'intention généreuse fourvoyée de la plupart de ses adeptes -- que c'est une arnaque de rêve, dangereuse et à contre-argumenter, un rêve roublard ou naif où il y a encore des méchants à combattre. Dans mon rêve à moi, il n'y a pas de méchants, il n'y a que des hommes qui doivent toujours mieux partager tourments et joies. C'est un rêve bien plus ambitieux pour se rapprocher duquel il ne suffit d'aller à Porto Alegre à quelques dizaines de milliers pour faire nombre, il ne suffit pas de dire "un autre monde est possible" en se drapant dans sa bonne conscience et en agitant des idées simplistes, il ne suffit pas de se dire "après tout, on peut foutre un belle merde, si on veut, allons-y, foutons-là !". Ce qui me chagrine le plus, c'est qu'il y a beaucoup de sincérité et de volonté de bien faire, dans ces mouvements, mais ça coince à mon sens au niveau de la synthèse politique, ça retombe lourdement dans la réaction, la dramatisation, le rapport de forces. Bon, cela dit, ils ne sont pas les seuls. Mais pour ceux qui comme moi prônent essentiellement la non-violence et le dépassement de la conflictualité dans le rapport ouvert et autant que possible chaleureux avec le prochain, on continue à se sentir un peu trop seul pour qu'un tel projet ait ses chances, même si depuis quelques années, il y a un frémissement. Cela dit, ça n'empêche pas que le rêve est toujours tout aussi fort en moi, donc il faut continuer à bosser pour y arriver ! |
Le 16/05/2004 à 16h26 | fox @ lionel - |
Le 17/05/2004 à
12h45 - Lionel - JC : [...] C'est assez amusant, mais ton utopie fonctionne precisement en parallelisme avec, disons, une aptitude de veritable direction, ce qui tient evidemment la route et est logique... Très bien vu, jc. Pour moi, c'était un lien qui était en effet logique (en apprenant à se connaître et à se gouverner, on acquiert les clefs sur l'humain et le gouvernement en général) mais je ne savais pas encore le formuler aussi clairement que ça, et c'était en outre une prétention délicate, dans la période de contestation de toutes les autorités. C'est seulement il y a 2-3 ans, en lisant un cours de Michel FOUCAULT qui pointait dans le même sens, de sa façon très pointue, que cette logique a pris pour moi encore plus de consistance. Foucault est un penseur majeur de la 2e moitié du XXe siècle, qui a fait de la sociologie critique au cours des années 70 (la prison, la folie, les institutions sociales qui contraignent violemment l'individu), mais qui, contrairement à un Bourdieu coincé jusqu'à l'absurde dans un même discours juqu'au bout, a su évoluer au seuil des années 80, comprendre que la question la plus moderne était celle du sujet, et a donc su renverser son microscope sur celui-ci. C'est précisément parce qu'il a traité cette question, qui moi me passionne depuis toujours, que mon attention a été attiré par ce cours au Collège de France de 1981-1982, intitulé "L'herméneutique du sujet" ("herméneutique", comme "hermétique", fait référence au dieu grec Hermès, inspiré du dieu égyptien Thot, et a à voir avec le déchiffrage des écritures. Le sens moderne d'herméneutique est l'"interprétation des phénomènes considérés en tant que signes", bref, on va dire que c'est un mot savant pour "décodage"). Le texte est abordable mais dense et je n'en ai lu que 60 pages sur 500 ! mais c'est déjà bien éclairant. Cette première partie est consacrée au "souci de soi" promu par les grands penseurs Grecs, notamment Socrate ("Connais-toi toi-même") dans le dialogue avec Alcibiade, et à ce qu'il signifie. En voici les extraits qui ont trait à ton propos. D'abord (1) un passage sur ce qu'entend Socrate par "souci de soi" (c'est moi qui souligne et qui grasseye) : "[...] Alors vous voyez que surgissent à ce moment-là deux questions. [...] Il faut s'occuper de soi, mais se pose la question : quel est donc ce soi dont il faut se soucier quand on dit qu'il faut se soucier de soi ? [...] Le dialogue de l'Alcibiade porte en sous-titre [...] : de la nature humaine. Or quand vous voyez le développement de toute la dernière partie du texte, la question que pose Socrate, et qu'il essaye de résoudre, n'est pas : tu dois t'occuper de toi ; or tu es un homme ; donc je pose la question : qu'est-ce que c'est qu'un homme ? La question posée par Socrate est beaucoup plus précise, beaucoup plus intéressante. Elle est : tu dois t'occuper de toi ; mais qu'est-ce que c'est que ce soi-même dont tu dois t'occuper ? Question par conséquent qui ne porte pas sur la nature de l'homme, mais qui porte sur ce que nous appelerions aujourd'hui la question du sujet. Qu'est-ce que c'est que ce sujet, qu'est-ce que c'est que ce point vers lequel doit s'orienter cette activité réflexive, cette activité réfléchie, cette activité qui se retourne de l'individu à lui-même ? Qu'est-ce que c'est que ce soi ? Première question." Michel Foucault aborde ensuite plus directement ce dont tu parles : "Deuxième question, qu'il va falloir aussi résoudre : comment ce souci de soi va-t-il, si on le développe comme il faut, si on le prend au sérieux, pouvoir nous conduire et conduire Alcibiade à ce qu'il veut, c'est-à-dire connaîte le tekhnê dont il a besoin pour gouverner les autres, l'art qui va lui permettre de bien gouverner ? En somme, l'enjeu de toute cette seconde partie, de cette fin du dialogue est celui-ci : il va falloir donner de ce "soi-même" une définition telle qu'elle implique , ouvre ou donne accès au savoir nécessaire à un bon gouvernement. L'enjeu du dialogue est donc celui-ci : quel est ce soi dont je dois m'occuper pour pouvoir m'occuper comme il faut des autres que je dois gouverner ? [...]" En page de garde du bouquin, il est indiqué que les 2 derniers cours de Foucault avant sa mort, portent sur "Le gouvernement de soi et des autres" (1982-1983) et "Le gouvernement de soi et des autres : le courage de la vérité" (1983-1984), mais ils ne sont pas encore mis en forme et publiés. C'est donc bien le thème qui l'a mobilisé jusqu'à la fin et il sera intéressant d'avoir accès à ces textes. Fox : De fait ceux qui se targueraient de savoir que "l'irréductibilité de la conflictualité" est irreductible sont des pisse-froid à côté de la plaque. [...] j'ai rarement vu mes ennemis de face ! [...] (et puis le *conflit* peut être interne [...]) Là, en revanche, nous ne sommes plus d'accord : |
Fox @ Lionel : L'altermondialisme, je ne suis ni pour ni contre (d'autant que c'est toi qui m'en a le mieux montré les limites tout en me le faisant connaître quasiment). Mais ce que je vois c'est que c'est un rêve pour beaucoup... une utopie à porté de main (avec quelques aménagements). Et c'est ça qui compte : rêver ! Francis Blanche a imaginé une épitaphe qui dit "il repose ici. Il rêve. Il était fait pour ça" (grosso modo - gosh ! c'est con je ne me souviens plus des termes exacts)
Le contraire de ce qui nous est proposé dans les médias (cf. Ferré - qui a chanté tout à l'heure sur France Inter chez Claude Villers "Que reste-t-il de nos amours ?" de Trenet). "Une photo...." y'a des photos qui comptent, mentalement, et d'autres, vendues très très très cher, qui sont des souillures pour notre "enfance" future, notre innocence fragile.
A part ça,
pas de laids-arts ! (je suis aussi d'accord avec moi ! )
MANIFESTATIONS |
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